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UNE PROBLÉMATIQUE QUI VA AU-DELÀ DES CIRCUITS COURTS | DÉCONSTRUIRE LES IDÉES REÇUES
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Le « monde d’après » ne sera pas un monde sans chaînes de valeur mondiales

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Il serait tentant de voir dans la crise sanitaire une chronique de la mort annoncée des chaînes de valeur mondiales. C'est probablement là l'une des premières idées reçues qui méritent d'être déconstruites

Les chaînes se sont mondialisées et ont structuré l’organisation du travail pendant près de 30 ans ; leur transformation devrait prendre également du temps. Certes, un ensemble d’initiatives politiques peuvent contribuer, aux côtés d’autres facteurs, à reconfigurer rapidement la géographie des chaînes. Ainsi, le Japon, l’Inde et l’Australie ont entamé, à l’été 2020, une discussion sur une initiative trilatérale de résilience de la chaîne d’approvisionnement (SCRI) pour réduire leur dépendance à l’égard de la Chine. De même, des responsables des États-Unis, de l’UE, du Japon et de Taïwan ont appelé à la coopération pour reconstruire leurs chaînes.

 

Mais plusieurs facteurs font que le monde de demain ne sera pas sans chaînes mondiales.

 

  • Selon le mode de gouvernance qui régit les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants (mode équilibré ou relation du fort au faible), les chaînes s’organisent sur des contrats de plus ou moins longue durée ; une relation de confiance permet ainsi un partenariat durable.

 

  • Tout changement d’organisation des chaînes a un prix : il est plus ou moins élevé selon le modèle (régional, national ou local/hyperlocal).

 

Par ailleurs, nombre de facteurs ayant contribué à la mondialisation des chaînes de valeur restent valides. La crise n’a pas (encore) remis en cause ces fondamentaux ; elle en a conforté certains : baisse du revenu des ménages, baisse de la profitabilité des entreprises, primauté des fonds de gestion, coûts de transport encore faibles, politiques d’achat, zones de sous-traitance bon marché.

 

Avec la crise, le besoin d’améliorer la rentabilité des activités devrait conforter le déplacement des chaînes d’approvisionnement vers des pays à différentiel de coût (low cost) « car même si les différences de coûts de production entre pays ont diminué en vingt ans, ils restent significatifs ». À cela s’ajoutent des facteurs structurels : l’inégale répartition, dans le monde, des ressources et matières premières et l’extraordinaire efficacité du système logistique mondial.

 

A contrario, sur des chaînes courtes, le donneur d’ordre peut rencontrer des problèmes de qualité et de délai car l’offre est limitée.

 

« Dans le textile/habillement, sur les longues séries, la Chine est capable de tout faire ; elle a une offre très large et répond à tout ce que demandent les donneurs d’ordre. Mais dès que l’on se rapproche de l’Europe, l’offre est beaucoup plus limitée ; le Maroc est bon sur la lingerie et la maille ; les pays de l’Est sont bons sur la veste et le manteau »

Nelly Rodi, Fondatrice de l’Agence NellyRodi

Nombre de stratégies d’entreprise en matière de sourcing de biens devraient encore reposer sur une approche par les prix et valider ce paradigme mondial des chaînes de valeur, en particulier dans les secteurs où les coûts de production restent déterminants dans la valeur des produits. En outre, lorsqu’une perturbation se produit en chaînes courtes, il faut rechercher des substituts à proximité, ce qui peut être complexe et coûteux.

 

Enfin, les chaînes de valeur devraient devenir de plus en plus immatérielles à mesure que les données et les services prennent une part croissante dans les économies et les échanges.

 

D’ores et déjà, les technologies permettent de communiquer en temps réel et d’aller plus loin dans la mondialisation des services : la présence physique n’est plus systématiquement nécessaire sur le lieu de travail (découplage travail/production). On l’a vu pendant la crise sanitaire avec un ensemble de prestations rendues à distance, élargissant l’offre de travail à l’échelle mondiale. À la mondialisation des biens pourrait se substituer celle des services.

 

Il est donc plus prudent de considérer que le monde de demain ne sera pas un monde sans chaînes de valeur mondiales. C’est une transformation qui s’inscrit sur le long terme.

 

 

Découvrez l’intégralité de l’étude : Entreprise et Création de Valeur – Comment rapprocher la chaîne de valeur au plus près du client ?