La distinction des chaînes selon le caractère répétitif des tâches reste valide pour l’heure
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Pour l’heure, il reste encore pertinent de distinguer les chaînes de valeur selon qu’elles portent ou non sur des tâches répétitives. En effet, dès que l’assemblage requiert une intervention humaine, le recours à la sous-traitance dans les pays low cost reste justifié
On le voit ainsi dans le secteur de la maroquinerie et des chaussures qui exige plusieurs opérations manuelles. Par ailleurs, « une machine ne peut être automatisée si elle doit produire autant de configurations différentes ». Quand les robots ne sont pas assez précis pour la complexité de la tâche, la main reste un outil sans équivalent.
Certes, dans les industries intensives en main-d’œuvre telles que le textile-habillement, il y a de véritables ruptures de cycle : dès qu’un vêtement devient viral sur Instagram, les entreprises doivent faire en sorte que la production soit vite livrée en magasin, ce qui est en contradiction avec des délais d’expédition de trois semaines à partir d’usines lointaines.
C’est ce besoin d’immédiateté qui a ramené, ces dernières années, les chaînes de valeur mondiales dans des pays à proximité des marchés européen (Europe centrale, orientale, Maghreb) et nord-américain (Mexique).
« La nécessité de prendre moins de risques économiques et financiers, par rapport à ce que demande la Chine (séries longues aux coûts élevés) a aussi conduit au rapprochement des chaînes dans ces pays »
Nelly Rodi, fondatrice de l’Agence NellyRodi
En revanche, sur les tâches répétitives où la chaîne est automatisable, la localisation des chaînes en fonction de l’avantage en coût du travail (niveau de salaires) est moins déterminante. Il n’y a pas forcément intérêt à localiser celles-ci dans des pays lointains. Automatisation et robotisation de la production redonnent de la compétitivité pour rivaliser avec les pays à bas coût.
À mesure que les entreprises s’approprient et intègrent ces outils dans l’appareil industriel, la productivité et la compétitivité s’en trouvent améliorées ; les marges difficiles à réaliser sur le segment productif peuvent être maintenues voire améliorées. Mais si l’automatisation ramène de la compétitivité-coût, elle ne règle pas la question de la compétitivité hors coût pour laquelle les entreprises françaises sont assez mal placées.
Par ailleurs, ce n’est qu’une étape sur le chemin de la rentabilité. Il faut rester lucide sur le paysage concurrentiel (côté offre) et évolutif (côté client) dans lequel évoluent les industriels. Enfin, on omet que ce sont les technologies digitales qui, en apportant, de la connectivité, permettent de créer de la valeur.
La distinction des chaînes selon le caractère des tâches devrait, en revanche, être moins pertinente à long terme. Avec l’automatisation et la digitalisation des lignes de production, les chaînes de valeur perdent du contenu en emplois. À l’horizon 2030, l’automatisation pourrait déplacer 15 % des emplois à l’échelle mondiale, notamment ceux fondés sur des tâches simples et répétitives. Ce sont les investissements en capital et en R&D, les compétences numériques et le travail qualifié dans l’industrie qui feront la différence. On le voit déjà dans les biotechnologies.
« Pour les petits structures de type start-up, l’enjeu est de s’équiper ; pour les grands groupes, l’important est de lancer les investissements, s’équiper en matériel pour faire baisser les coûts et diminuer les coûts en produisant au plus près »
Pierre Lory, administrateur d’un groupe pharmaceutique
Le besoin en capital (investissements dans la connectivité des process industriels, réorganisation des groupes, création de plateformes, déploiement opérationnel logistique multi-local, etc.) pourrait s’avérer important sur les nouvelles chaînes.