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UNE PROBLÉMATIQUE QUI VA AU-DELÀ DES CIRCUITS COURTS | DÉCONSTRUIRE LES IDÉES REÇUES
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Dans des chaînes courtes, on ne supprime pas la dépendance, on la déplace d’un cran

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Avec la pandémie, la dépendance des économies aux chaînes de valeur a été largement soulignée et dénoncée. Dans un schéma de chaînes mondiales, cette dépendance porte sur les biens intermédiaires (intrants). Dans un schéma de chaînes proches, il faut assurer l’approvisionnement en matières premières des unités de fabrication auprès des clients

« Le risque, c’est de ne pas avoir accès à la matière première »

Jean-Michel Tasse, Directeur France de Festo

 

Cela a été éclairé avec la pandémie. Pour développer la fabrication de masques en France, l’État a dû lever un premier frein qui était la fourniture en matières premières (notamment le meltblown, textile non tissé issu de l’extrusion-soufflage, qui donne les propriétés de filtration aux masques).

 

De même, les médicaments nécessaires dans les services de réanimation sont issus de curare provenant de lianes amazoniennes ou africaines. Multiplier les producteurs de ces médicaments, dans chaque État, ne résoudra pas forcément ce problème de dépendance.

 

« Dans le textile-habillement, la relocalisation des chaînes de valeur va être difficile sur la partie matière première »

Gildas Minvielle, Economiste à l’IFM

Chez Marcel et Jean, fabricant de tabliers professionnels, faire le choix du Made in France sur l’intégralité de la chaîne de production est un engagement économique et écoresponsable. Si le fabricant reconnaît que cette démarche est relativement facile sur le packaging par exemple, elle l’est moins sur la confection car la matière première (coton) est difficile à trouver en France.

 

Le risque est aussi géopolitique. La production de smartphones et de voitures électriques (lithium et cobalt) donne une préfiguration des besoins croissants en terres rares et en minéraux stratégiques d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine : elle peut conduire à des logiques de captation : les stratégies des États pour relocaliser les productions sur leur territoire exacerbent ce risque.

 

« Il y a des dépendances incompressibles mais ça s’organise avec des alliances au plan géopolitique ; la vraie réflexion, c’est plutôt retrouver notre indépendance dans certaines technologies (cadmium, hydrogène) »

Jean-Claude Hanus, ancien Président du pôle Moveo

Au-delà du problème d’accès, il y a la question du coût. Sachant que ce sont souvent les entreprises chinoises qui achètent en masse auprès des pays riches en ressources, le risque de voir les acteurs, qui achètent en plus petits volumes, payer plus cher ces matières n’est pas mince. En outre, on observe une pression sur les prix s’agissant des matériaux stratégiques destinés aux technologies digitales.

 

Enfin, il peut exister des tensions sur les matières premières locales : l’agriculture n’est pas à l’abri de telles tensions sur les volumes et les prix. Il est donc essentiel de prendre en compte la flexibilité des flux de matières premières.

 

« Dans la production de yaourts à proximité du client, tout le problème sera de pouvoir accéder à la matière première qu’est le lait »

Bruno Didier, Gérant de Did-Invest

Les chaînes raccourcies font, par conséquent, remonter la dépendance d’un cran. Certes, des évolutions se font jour pour apporter des solutions à cette dépendance. Mais elles restent partielles ou bien ne produiront leurs effets qu’à long terme car les nouveaux procédés d’extraction ne sont pas, pour l’instant, opérationnels ou rentables ou bien sont polluants.

 

  • D’une part, les terres rares ne sont pas si rares : elles se trouvent partout sur la croûte terrestre mais en faible quantité ; il existe, en France, d’importantes ressources en roches et minéraux industriels et en nombreux métaux (tungstène, antimoine, or, plomb, zinc, germanium, cuivre, lithium et molybdène) ; pour rappel, la dépendance de l’Europe à l’Asie, l’Afrique et aux Amériques en métaux rares (gallium, germanium, indium, etc.) est aujourd’hui quasi-totale.

 

  • D’autre part, la recherche sur de nouveaux matériaux laisse augurer de possibles substitutions dans la composition des biens ; l’évolution vers les nanotechnologies ainsi que le mouvement antiplastique participent aussi à cette évolution.

 

  • Enfin, des matières naturelles, comme le lin ou la laine dont la France est productrice, reviennent pour être filées ou tissées en France et en Europe au lieu de la Chine.

 

Découvrez l’intégralité de l’étude : Entreprise et création de valeur – Comment rapprocher la chaîne de valeur au plus près du client ?