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3 MODES DE RAPPROCHEMENT DE LA CHAÎNE DE VALEUR | LE DÉPLACEMENT GÉOGRAPHIQUE DES SITES DE PRODUCTION ET DE SOUS-TRAITANCE
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A court terme, pas de rééquilibrage géographique attendu de la production

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L’organisation mondiale de la production devrait peu se modifier dans l’immédiat

Elle devrait rester prégnante autour de zones sous-traitance low-cost dans les régions suivantes :

 

  • l’Asie du Sud-Est, en particulier le Vietnam et la Malaisie, avec un bémol lié au risque de volatilité récurrente avec la disparition de fournisseurs pendant la crise sanitaire ;

 

  • l’Asie du Sud, avec l’Inde qui, une fois la crise sanitaire atténuée, devrait regagner de l’intérêt auprès des grands groupes mondiaux qui y voient un débouché majeur à terme ;

 

  • en Afrique, avec le Maroc et la Tunisie et quelques pays sub-sahariens pourraient émerger, à la faveur des investissements chinois dans le cadre des Routes de la Soie, comme autres ateliers du monde.

 

Pour les achats en volume, une chaîne courte est encore difficile à concevoir.

 

« Les fabricants ne sont pas toujours à même de délivrer de la quantité dans le périmètre de proximité. Les quantités à produire demandent des infrastructures importantes. Naturellement, on va vers l’Asie car il y a plus de capacités, ça va plus vite et c’est moins cher (économies d’échelle) »

Rachel Chicheportiche, CEO de Saga Investment Ventures

Dans cette stratégie de rapprochement des marchés dans des pays à plus faible coût de main-d’œuvre, le Portugal et, dans une moindre mesure, l’Espagne ont aussi un rôle à jouer ; « sur les accessoires, le Portugal a toujours été fort ; il y a un tout un nouvel écosystème (plateforme de luxe Farfetch) » fait aussi remarquer Rachel Chicheportiche, CEO de Saga Investment Ventures. Le Portugal remonte sur un ensemble de secteurs : décoration, linge de maison, porcelaine, faïence, céramique, verre.

 

« Au salon « Maison et Objets », beaucoup de Portugais sont représentés ; la main-d’œuvre est de très bonne qualité »

Nelly Rodi, fondatrice de l’Agence NellyRodi

On voit que si la proximité des marchés est un facteur émergent de la localisation des chaînes, le rapprochement avec les fournisseurs dans des hubs spécialisés et la main-d’œuvre bon marché comptent toujours.

 

À cet horizon, la place de la Chine dans la géographie de la production devrait rester majeure. La phase aiguë de la crise sanitaire a montré clairement que la Chine reste essentielle en tant que fournisseur d’intrants pour le monde.

 

Elle peut tout faire ou presque sur son territoire à l’inverse d’autres pays : elle n’a pas de spécialisation particulière. En tant que puissance de fabrication, sa base industrielle « est inégalée en largeur et en profondeur, produisant tout, des chaussures bas de gamme aux biotechnologies haut de gamme ».

 

En revanche, le besoin de sécurisation des chaînes devrait amener à d’autres diversifications :

 

  • Pour les entreprises qui ont plusieurs sources d’approvisionnement, ce sont de nouveaux arbitrages-pays qui pourraient être opérés tandis que le déplacement vers des pays low cost à proximité des marchés pourrait être accéléré.

 

  • Pour les entreprises qui ont la Chine comme source d’approvisionnement unique, une approche privilégiée pourrait être la duplication des chaînes ; la guerre commerciale sino-américaine les y a déjà incitées ; certaines ont mis en place une stratégie « China + one », c’est-à-dire qu’elles ont conservé une partie de leur sourcing en Chine tout en transférant une autre partie dans un second pays : en Asie du Sud-Est notamment avec Taïwan, le Vietnam et la Malaisie. Par exemple, Apple investit dans deux chaînes d’approvisionnement distinctes pour l’iPhone : une pour la Chine et une pour le reste du monde. La duplication ne garantit pas, pour autant, du risque de rupture ; d’abord, toute diversification s’entend de plus de deux pays ; ensuite, la duplication, outre qu’elle exige du temps, a un coût très élevé que toutes les entreprises ne peuvent s’autoriser.

 

Les perspectives de régionalisation restent, par ailleurs, incertaines. Elles devraient prendre du temps en raison des incertitudes sur la croissance et le pouvoir d’achat.

 

Dans un schéma de chaînes régionales, il faut une demande intérieure forte de la région pour soutenir la production. Or, c’est la grande inconnue de la période post-Covid.

 

La reterritorialisation de la chaîne resterait limitée, en fonction des incitations gouvernementales ou des innovations de produit.

 

Les choix stratégiques ne sont pas faciles ; ils résultent d’arbitrage entre risque et coût. La crise peut être l’occasion d’atteindre de nouvelles positions dans des secteurs, filières ou marchés qui vont être largement reconfigurés par les usages et les acteurs en présence.

 

« On continue à avoir une dualité de chaînes longues et de chaînes courtes à laquelle il faut ajouter les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) où des productions ont été relocalisées sur le moyen de gamme (secteur textile-habillement) »

Elisabeth Baur, CEO Novelisa Consulting

Les entreprises devraient sûrement conserver une approche diversifiée et flexible en raison de l’incertitude et la nécessité de se préparer aux  crises.